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La Clinique Saint-Exupéry - Interview de Marie Laurent, architecte
Novembre 2020
Entretien avec Vincent Lacombe, directeur général de la Clinique Saint-Exupéry et Marie Laurent, architecte Kardham dans le N° 34/35, Edition Spéciale Covid d'Architecture Hospitalière.
Durant la crise sanitaire, Kardham a vécu des heures singulières, entre confinement et incitation à poursuivre des travaux sur de nombreux sites, et notamment la Clinique Saint-Exupéry de Toulouse, à la suite d’une autorisation administrative dérogatoire. L’établissement devait être en capacité d’accueillir, tant en hébergement qu’en réanimation, les pathologies propres à l’établissement de dialyse, mais également les patients atteints de Covid-19. Le nouveau bâtiment était alors en cours de chantier et ne disposait pas d’un accord d’ouverture de la commission de sécurité, entrainant ainsi des problèmes juridiques, administratifs et de responsabilités. La complexité consistait donc, à la fois, à gérer un imbroglio administratif/juridique et une activité technique perturbée par les mesures de protections sanitaires.
Pouvez-vous nous présenter la Clinique Saint-Exupéry ?
Vincent Lacombe : La Clinique Saint-Exupéry a ouvert ses portes en 1975 pour prendre en charge exclusivement des patients atteints d’insuffisance rénale avec des postes d’hémodialyse, un plateau de consultation de néphrologie et des fonctions logistiques attenantes. En 1990, alors que l’établissement avait déjà reçu une autorisation pour intégrer six lits de médecine, il a reçu l’accord des autorités pour étendre ses capacités dans le traitement de l’Insuffisance Rénale Chronique (IRC) et l’hospitalisation à orientation néphrologique. Un deuxième bâtiment a donc été construit avec une structure poteaux poutres permettant toutes les évolutions ultérieures.
Comment définiriez-vous l’opération menée aujourd’hui par Kardham sur le site de la Clinique ?
Marie Laurent : C’est un projet d’une grande complexité. Il s’agit d’un marché privé, avec une direction de clinique indépendante. Historiquement, cette clinique était ultra spécialisée dans le traitement des maladies rénales, peu habituée aux autres spécialités. Nous avons fait face, avec mon confrère Pierre Fernandez, à un projet très « co construit », dont le programme et le budget n’étaient pas totalement arrêtés, sans devis et sans AMO. Les orientations du maître d’ouvrage étaient évolutives, ses besoins évoluant en fonction des innovations. La part de conseil au sein de notre mission s’est révélée non négligeable. Cette absence de cadre strict a donné lieu à un projet en mouvement, parfois difficile à suivre, mais donc l’objectif était de la conception d’une clinique la plus qualitative possible en matière d’équipement et de prise en charge des patients. Les intentions et la grande exigence de notre maître d’ouvrage nous ont ainsi poussés à élargir notre mission.
Comment est né ce projet ?
M. L. : Ce projet est à la fois une nouvelle clinique, une extension et une rénovation. La clinique Saint-Exupéry étant de taille modeste et uniquement spécialisée dans la dialyse, elle avait besoin d’un autre établissement pour ses activités obligatoires de laboratoires et d’imagerie. Pour des raisons de proximité, elle s’était associée à la clinique généraliste Saint-Jean Languedoc qui était toute proche afin de constituer un site urologique de référence. Par la suite, cette dernière ayant été rachetée par le groupe Ramsay, elle a été déplacée en périphérie pour fusionner avec plusieurs cliniques de Toulouse.
Pour quelles raisons n’avez-vous pas suivi la clinique Saint-Jean Languedoc en zone périurbaine ?
V. L. : La clinique Saint-Exupéry a toujours souhaité s’inscrire dans une démarche de proximité. Le traitement de l’Insuffisance Rénale Chronique nécessite trois séances d’hémodialyse par semaine de trois à quatre heures et imposer des trajets supplémentaires aux patients n’était pas envisageable. L’établissement a toujours eu à coeur d’être présent sur l’ensemble de la Haute-Garonne. Pour cette raison, le maillage territorial de son offre comprend dix implantations de Bagnères-de-Luchon à Brax. Enfin, cette volonté de conserver son implantation historique répondait aussi à une demande émanant des médecins généralistes du quartier.
Quelles sont les grandes lignes du programme ?
M. L. : Le programme est né de la nécessité de créer un service de radiologie, un laboratoire et des postes de consultations auxquels la clinique souhaitait ajouter quelques lits d’hébergement. Le seul terrain disponible pour une nouvelle construction se situait à l’emplacement des stationnements existants qu’il fallait donc enterrer. Comme des travaux allaient être réalisés sur site pour construire un nouveau bâtiment, la direction de la Clinique a souhaité disposer d’un potentiel de 50 % supplémentaire afin de développer, dans le futur, l’activité de consultation. En ajoutant un laboratoire, des lits de médecine et en doublant les capacités de consultations, les fonctions supports devenaient donc insuffisantes et nous avons donc du travailler sur la logistique notamment la cuisine, la pharmacie, les serveurs, le bio-nettoyage et les espaces de stockage. Pour agrandir ces fonctions supports, il était devenu indispensable d’investir l’existant pour réaliser des opérations tiroirs. De plus, au moment de l’achèvement du parking souterrain en 2018, la clinique a reçu l’agrément de l’ARS pour 70 lits supplémentaires de SSR qu’il a fallu intégrer sur deux nouveaux étages. Cette évolution du programme au fil du temps s’est révélé un challenge tant architecturalement que financièrement.
Quels sont les enjeux urbains de ce projet ?
M. L. : Grâce à la clinique Saint-Jean Languedoc, la Clinique Saint- Exupéry profitait d’un accès par la route de Revel qui est un axe routier majeur de Toulouse. Avec le déménagement de ce partenaire, cet accès direct a été perdu et la clinique a retrouvé son entrée historique rue Emile Lecrivain, un peu moins prestigieuse, plus étroite et difficile d’accès. Nous avons donc dû recréer une enseigne sur cette petite voie. Lors des travaux, il est apparu que la déviation provisoire installée pour le chantier offrait le recul nécessaire pour un parvis et une entrée digne de ce nom tout en érigeant une façade en R+4. Grâce à cette autorisation de dévoiement de la chaussée, la façade n’était plus noyée entre les immeubles d’habitation. Une percée au milieu du bâtiment a néanmoins été faite car l’objectif reste de pouvoir raccorder un jour la clinique Saint‑Exupéry sur la route de Revel.
Comment avez-vous intégré ce projet par rapport au bâtiment existant ?
M. L. : Dans le cadre du projet, nous avons respecté la géométrie et modénature des façades existantes. Le bâtiment initial était de petite taille puisqu’il était sur deux niveaux tandis que le nouveau en compte quatre. Ce travail sur les façades a été mené en collaboration avec un plasticien et reprend des éléments caractéristiques comme les brise-soleil verticaux en aluminium poli brillant pour se protéger d’une orientation plein sud. Le lien avec l’existant est naturel puisque le nouveau bâtiment s’implante au contact de l’ancien. La continuité des services de consultation se fait simplement et l’extension qui propose une orientation médicale différente a été efficacement reliée à la clinique.
La nouvelle organisation de la clinique a été pensée dans une recherche continue en termes de performance de la prise en charge, de confort des patients, et d’accueil des visiteurs. Comment l’architecture met-elle en avant le confort des patients ?
M. L. : La qualité architecturale représente un investissement financier considérable qui témoigne de son ambition qualitative. La clinique a souhaité redonner un sens à ce quartier et se définit comme un point de conversion que les personnes peuvent traverser. Un travail important a été mené sur le hall d’accueil avec une magnifique cafétéria pour offrir de la convivialité. Ce hall se veut très généreux et doit garantir une bonne gestion des flux ainsi qu’une qualité d’orientation optimale grâce à la signalétique pour assurer le confort des patients et des visiteurs dès leur arrivée dans le bâtiment. En attendant l’arrivée du métro en 2030, la clinique propose de nombreuses places de stationnement, un véritable enjeu pour simplifier l’accès des utilisateurs. Le confort architectural se retrouve aussi à l’intérieur, en particulier au niveau des chambres. Sur ce point, nous n’avions pas le droit à l’erreur : l’exigence d’excellence de la maîtrise d’ouvrage et sa connaissance tellement précise de sa spécialité et de ses besoins ont porté la conception à des niveaux de détails rarement atteints. Cela a été très enrichissant autour de l’activité de dialyse. Enfin, le confort des patients passe aussi par le choix des matériaux qui occupe une place importante.
Comment l’architecture améliore-t-elle les conditions de travail du personnel ?
V. L. : La clinique a été créée par le docteur Jean-Michel Pujo et a toujours été administrée avec les professionnels qui en sont les acteurs. Notre leitmotiv est de respecter les besoins du secteur médical dans une structure compacte favorisant les flux courts et fonctionnels. Notre projet d’extension poursuit cette vision avec des liaisons verticales reliant espaces de stationnement, zones de consultations et d’hospitalisation
de jour qui sont parmi les plus courtes. La qualité des matériaux utilisés assure la pérennité de ses locaux et l’efficience du bâtiment. Les activités de la clinique engendrent d’importants flux de brancardage et de transports de patients. Nous avons donc largement travaillé les éléments de protection murale sur plusieurs hauteurs et avons privilégié des solutions durables pour les axes de circulation les plus empruntés. Notre
demande envers Kardham est allée plus loin que le dessin architectural. Nous avons souhaité disposer d’un accompagnement renforcé dans le choix des matériaux, du mobilier et pour la signalétique. Ces choix s’inscrivent pleinement dans notre démarche de développement de la qualité de vie au travail. Nous avons souhaité identifier les espaces en fonction des professionnels auxquels ils sont dédiés et intégrer une cafétéria réservée aux ambulanciers. Nous étudions la mise en place de temps de réunion ou de formation plus nombreux pour renforcer le partage et la valorisation du projet médical de la clinique. Nous aspirons également à nous inscrire dans des démarches innovantes en matière d’informatique architecturale au travers d’un projet de conception en 3D et d’une maquette BIM utilisable pour l’exploitation.
Quelle est la place de la lumière naturelle ?
M. L. : La lumière naturelle est omniprésente. Nous avons beaucoup travaillé le confort visuel pour les patients alités avec des allèges abaissées, d’amples pans de verre, des fixes avec stores motorisés ajustables électriquement depuis le lit et des volets translucides vitrés colorés qui participent à l’ergonomie des chambres. Par ailleurs et dans un souci de protéger des échauffements solaires ces vitrages, un dispositif de pare soleil en aluminium thermolaqué extrudé et microperforé est mis en place.
Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté le chantier ?
M. L. : Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, nous avions décidé de maintenir la date de la commission de sécurité au 10 mars en demandant aux entreprises de travailler à un rythme très élevé. Si un travail considérable a été effectué en un mois, ces efforts n’ont cependant pas été suffisants pour permettre une ouverture au public et la commission de sécurité nous a alors donné un nouveau délai, le 15 avril, pour répondre à ses différentes prescriptions. Toutefois, après cette visite, nous nous sommes rapidement retrouvés face à un nouvel obstacle avec le confinement dès le 17 mars et la mise en place du télétravail. Ensuite, face à l’afflux grandissant de patients COVID et aux besoins des hôpitaux toulousains, l’ARS a délivré une dérogation exceptionnelle d’ouverture à tous les bâtiments en capacité de recevoir des malades. Malgré les réserves initiales de la commission de sécurité, la Clinique Saint-Exupéry a donc pu ouvrir les deux nouveaux étages d’hospitalisation grâce au retour sur le chantier de la moitié des entreprises dans des conditions certes très difficiles. Cette mise à disposition des locaux a nécessité un immense travail juridique et administratif ainsi qu’un suivi de chantier rendu extrêmement ardu en raison du confinement. Enfin, malgré tous les obstacles, le 15 juin dernier, la commission de sécurité est revenue pour délivrer un avis favorable pour une ouverture au public définitive au 3 septembre grâce à cet effort collectif. Aujourd’hui encore, les dernières réserves doivent être levées mais les locaux sont occupés et le COVID est toujours présent ce qui ne facilite pas l’achèvement de l’opération.
Quel bilan dressez-vous de cette période de crise sanitaire ?
M. L. : Avec de la volonté, nous pouvons atteindre de grands objectifs ! C’est le premier enseignement que j’ai envie de tirer de cette période très compliquée. Nous avons conçu un magnifique bâtiment et nous en sommes tous très fiers. Nos projets architecturaux ne peuvent se concrétiser qu’avec le concours des entreprises et, sur cette opération, malgré toutes les difficultés rencontrées sur le chantier, nous y sommes parvenus ! Privilégier des entreprises locales me semble important pour l’implication et les rapports humains. Dans ce contexte si particulier, elles ont fait preuve de bienveillance et ont su fournir les efforts nécessaires pour que ce projet aboutisse. Construire un hôpital ne peut pas se faire seul !
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Découvrez le projet de la Clinique Saint-Exupéry