Venez au bureau comme vous voulez

Janvier 2024

Une question taraude les directeurs RH comme les directeurs immobiliers : comment faire pour que tous ne viennent pas en même temps (souvent le mardi et le jeudi) et comment faire venir sur site le vendredi ? Les actions menées cherchent principalement à rendre plus attractifs les sites les vendredis : offre de restauration à prix attractif, évenementialisation, etc.

Par Marc Bertier, Expert Workplace Kardham, paru sur le site de Focus RH.

Ces actions produisent des résultats certains sans pour autant résoudre le problème de fond : pourquoi venons-nous en même temps ? Et surtout ceci sachant que venir au bureau un vendredi s’avère souvent être un pari gagnant : transports fluides et rapides, postes de travail et salles de réunion disponibles, pas de sur-fréquentations de la cantine, etc. Oui mais voilà, on risque de ne voir personne. Tout le contraire de bien des mardi ou jeudi (jours de pic) ou le temps de transport est allongé, l’accès aux espaces de travail nécessite la mise en place d’une véritable organisation et génère dans certains cas un véritable stress. Mais on se voit tous.

De bonnes raisons de venir tous en même temps

Les logiques qui sous-tendent l’occupation des bureaux ne sont donc pas uniquement celles du confort fonctionnel. Elles relèvent aussi de la socio-dynamique et de la compréhension des rationalités individuelles et collectives. La théorie des jeux, notamment telle que présentée par le prix Nobel Thomas Schelling, donne quelques clés de lecture. Cette théorie part du principe que les individus agissent de façon rationnelle selon leur situation particulière. Ils modulent aussi leurs choix selon leurs degrés de tolérance. Autrement dit, le fait que les venues se concentrent le mardi indiquent que les individus préfèrent être tous ensemble avec un confort fonctionnel dégradé qu’en sous-groupes avec un meilleur confort fonctionnel. Ou qu’ils préfèrent vraiment faire du télétravail les mercredis et/ou vendredis, quitte à devoir supporter des conditions dégradées les autres jours. En symétrique, ceux qui ne supportent pas les conditions du mardi sont aussi souvent ceux qui louent les vertus du vendredi.

Quand la venue de l’un influe celle de l’autre

Qu’est-ce qui motive les individus à tous venir en même temps ? De nombreuses enquêtes suggèrent que c’est le fait de pouvoir travailler avec d’autres et de sociabiliser. Ces deux éléments permettent d’expliquer de façon logique les pics du mardi. Jacques vient car il doit participer à sa réunion d’équipe. Il en profite pour déjeuner avec Isabelle d’un autre service qu’il n’a pas vue depuis longtemps. Et cette dernière cherche à « rentabiliser » sa venue sur site pour voir Jacques en organisant des rencontres avec d’autres, qui feront à leur tour la même chose. C’est ce que Thomas Schelling appelle les macro-effets des microdécisions. Ou, dans le langage courant, l’effet boule de neige. Les venues des uns appellent les venues des autres. Les collaborateurs les plus nomades illustrent bien ce phénomène : en quête de reconnexion lorsqu’ils viennent au bureau, ils sont rarement présents les vendredis – alors qu’ils sont plus rarement en rendez-vous extérieurs que les autres jours. Au-delà des effets d’entraînement et des préférences de jour pour le télétravail, la présence simultanée les mêmes jours s’explique par des mécanismes cognitifs bien documentés : la peur de manquer quelque chose (ou FOMO) ou encore le biais de proximité. Certaines études démontrant une corrélation entre la présence au bureau et l’évolution de carrière pour certains profils.

Les dirigeants sont des « super-influenceurs » de venue

Ces logiques fonctionnent dans un monde libre et dans lequel une information objective et partagée existe. Pour autant, un tel monde n’existe pas. Dans une organisation, certains individus génèrent plus de motivation à venir que d’autres. La présence du management, et notamment du top management, est un motif de venue plus important que d’autres. Nos enquêtes montrent qu’ils sont souvent les plus présents sur site (et qu’ils sont souvent absents tous en même temps). Ils sont de puissants initiateurs de venue car ils sont créateurs de réunions et ils sont des points d’attractivité pour certains. Ils ont aussi tout simplement la capacité d’imposer la venue à certains moments. A ce propos, il est intéressant de constater que rares sont les managers à imposer une venue le vendredi, ce qui démontre que le pouvoir n’est pas que dans leur camp. Certains imposent d’ailleurs à leurs collaborateurs de choisir un jour de télétravail plaisir (mercredi ou vendredi) associé à un autre jour (lundi, mardi ou jeudi).

3 pistes pour que l’environnement de travail permette la venue libre

En tant que concepteurs d’environnement de travail, notre rôle est donc de concevoir les espaces qui vont accompagner ces constats et de permettre des « venues libres », ou tout du moins rationnelles du point de vue des collaborateurs et performantes pour les organisations. Le premier axe de réflexion est le bon dimensionnement du besoin, bon dimensionnement qui s’obtient par la mise en cohérence d’une politique managériale (jours de présence) avec une politique RH (organisation du télétravail) et une politique immobilière (qualité et quantité des espaces). Le second axe de qualification concerne la transcription du besoin en usages. Il amène une réflexion à la fois sur l’utilisation des espaces (et notamment les questions du multi-usages) et sur leur intensification (optimisation de l’occupation des espaces et maîtrise de l’impact des environnements de travail). Enfin le digital, et notamment les solutions prédictives de venues, est un puissant allié au service du pilotage de ces nouveaux environnements en permettant d’imaginer des scénarios innovants d’utilisations différenciées des espaces.

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Nathalie Neyret

Nathalie Neyret

Directeur Marketing & Communication

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