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L’immeuble quartier ou l’urbanité au bureau
Septembre 2023
L'expert
Le télétravail a profondément bouleversé nos modes de vie et nos attentes envers les environnements de travail. Nous effectuons désormais nos tâches professionnelles depuis une multitude de lieux. Les managers essaient tant bien que mal de faire vivre leurs collectifs tandis que les organisations constatent que leurs sites sont souvent peu et mal occupés. Dans le même temps nous vivons de profondes transformations, impactant le monde du travail et la société plus largement, dont nous ne connaissons pas les contours. Que seront les quotidiens dans un monde à +1,5 degré et où nous cohabiterons avec des intelligences artificielles ?
Il se pourrait bien que le quasi-milliard de mètres carrés utilisés comme « lieux de travail tertiaire » soient à l’aube d’une renaissance. Leur désaffection croissante et les divergences de plus en plus marquées d’attentes entre collaborateurs, managers et organisations nécessitent en effet de les penser autrement. Dans le même temps, l’expérience du quotidien démontre la nécessité d’agir à une échelle plus large que le bureau en lui-même pour rendre nos lieux de vie davantage résilients face aux changements climatiques tout en les ancrant dans des approches plus durables.
Ainsi, puisque le travail s’est invité dans tous les lieux de vie, pourquoi ceux-ci ne s’inviteraient-ils pas dans les bureaux ? Les prémisses de cette idée ont été partagé dans cette même revue il y a tout juste un an. A l’issue d’une nouvelle année de réflexion avec une vingtaine d’experts, le projet utopique se transforme en un modèle inédit pour repenser les lieux de travail et répondre aux questions cruciales de notre temps : Comment l’immobilier, notamment tertiaire, peut s’adapter aux nouveaux modes de travail ? Comment réconcilier les aspirations des collaborateurs, des managers et des organisations ? Comment construire les stratégies d’optimisation des surfaces de demain ? Comment réconcilier attentes des collaborateurs avec les enjeux du bureau ? Quelles seront les preuves immobilières de la stratégie ESG des entreprises ? Quels seront les lieux de vie et de travail communs ? ou encore, quels seront les lieux de refuge face aux températures extrêmes ? Pour explorer ce nouveau modèle nous reviendrons d’abord sur les deux enjeux majeurs induits par la rencontre des différents points de vue. Puis nous verrons en quoi ils peuvent se réconcilier dans un projet commun.
Les venues devraient être vraiment libres
L’adoption plus générale du travail hybride dans les entreprises a induit une baisse de la fréquentation des bureaux, avec un taux d’occupation oscillant autour de 40 à 50% en moyenne. Face à cette faible affluence, l’optimisation et la réduction des surfaces apparaît pour beaucoup comme une réponse évidente à la situation. Ainsi, les entreprises déploient des environnements de travail tels que le "Flex office" ou les "environnements dynamiques", qui proposent des aménagements plus flexibles et adaptatifs tout en permettant de réduire les surfaces. Le gain est permis par le partage et la non-attribution des postes de travail. Il vise à optimiser l’occupation dans un contexte de présence plus aléatoire des salariés. Ainsi, un taux de partage le plus courant est maintenant de 0,7 ; soit 7 postes de travail pour 10 collaborateurs. Certains sont encore plus ambitieux et sous-tendent fréquemment la mise en place d’un lissage de la venue des collaborateurs. L’organisation régulière de la venue repose fréquemment sur les épaules des managers ce qui produit certaines complications organisationnelles. A cause des ces effet, la stricte optimisation des espaces présente des limites notables.
D'abord, du point de vue du collaborateur, la non-attribution des postes de travail associée à leur (forte) réduction peut générer un stress lié à la crainte de ne pas trouver de (bonne) place disponible. Dans certaines entreprises ce ressenti est exacerbé par le besoin de réserver son poste en amont de sa venue. Cette organisation exige des collaborateurs une planification rigoureuse, fortement impactante au quotidien.
Pour les managers, cette configuration représente un défi supplémentaire. Ils sont confrontés à la nécessité d'animer le collectif, dans un contexte d’évolution de leurs pratiques managériales qui doivent désormais s’adapter au travail hybride et permettre de lutter contre le sentiment d'isolement qui peut s'installer au sein des équipes. Comment réunir mon équipe si l’espace proposé est réduit et offre moins de postes de travail ?
Enfin, malgré ces efforts d'optimisation, les retours d'expérience de nos projets montrent que les rythmes de fréquentation des sites demeurent inchangés. Une forte affluence en début de semaine, suivie d'une désertion notable le vendredi, indique que la fréquentation ne se lisse ni sur la semaine ni sur le mois. Dans certains cas, elle peut être amené à baisser. Face à ces constats et défis, une conviction forte émerge : l'environnement de travail doit être repensé pour permettre à chacun de venir selon ses intérêts et besoins, garantissant ainsi une véritable liberté de présence. Les venues devraient être vraiment libres. Cette vision, loin d'être une simple idée, trouve son fondement dans la théorie des jeux. Cette une théorie socio-économique se base sur le fait que les individus agissent de façon rationnelle et que les comportements individuels s’influent les uns les autres. Cette théorie se vérifie dans les environnements tertiaires : les collaborateurs tendent à être présents s’ils savent que leurs collègues le seront et ainsi de suite.
Aussi, la liberté individuelle de présence au bureau prend tout son sens car elle impacte de façon significative la dimension collective. Si l’on se place du point de vue du management cela pose un double enjeu : d'une part, renforcer la cohésion de l'équipe et maintenir un climat de confiance et, d'autre part, faciliter les échanges entre différentes populations au sein de l'entreprise. Gallup, dans ses études, a mis en lumière un élément surprenant mais essentiel : l'importance d'avoir un "meilleur ami au travail". Ce lien, loin d'être anodin, s'avère être un puissant levier pour la productivité et l'efficacité collective. En répondant à ces enjeux collectifs, en favorisant des interactions de qualité et en créant un environnement propice à la confiance, les managers peuvent alors créer des connexions inspirantes au sein de leurs équipes. Ces connexions, bien plus que de simples moments de sociabilisation, deviennent des piliers essentiels pour une expérience de travail enrichissante.
L’occupation en « courbe de chameau » est une opportunité
Mais cette dynamique collective se heurte à une réalité d'occupation des espaces qui évolue rapidement. Différents observateurs du marché notent que, à iso-effectifs, les surfaces diminuent en moyenne de 25% lors d’une relocalisation. Cette réduction est une réponse directe à la fréquentation en baisse et irrégulière et se base sur l’espoir d’une évolution des comportements. Pourtant nous avons vu que les comportements des utilisateurs sont rationnels et qu’ils participent à l’efficacité organisationnelle. De ce point de vue, la venue en « courbe de chameau » avec des pics le mardi et jeudi et des creux le vendredi résulte d’une réalité organisationnelle d’efficacité. Certains utilisateurs ont d’ailleurs, peut-être malgré eux, accepté cet état de fait et envisagent de fermer leur site le vendredi. En effet, à quoi bon exploiter des bureaux qui resteront vides ? Si cette piste est un début de réponse, son analyse montre de nombreuses limites.
Le premier argument en faveur de fermetures hebdomadaires est les économies d’énergies et, in fine, l’impact sur l’environnement. Des sites pilotes ont ainsi pu économiser 10% de leur facture énergétique, principalement en chauffant ou refroidissant moins. L’économie est non négligeable. Elle a même permis à certains d’absorber tout ou une grande partie des augmentations du cout de l’énergie. L’économie d’énergie générale de l’approche est tout de même relative. Certaines simulations ont montré que la « remise en marche » en début de semaine consommerait autant d’énergie que les gains permis par la « mise en veille » en fin de semaine. De plus un certain nombre d’équipements ne peuvent être éteints pour assurer le bon fonctionnement de l’entreprise (les serveurs par exemple). Enfin, l’analyse du cycle carbone d’un immeuble de bureau montre qu’environ 70% des émissions sont liées à la construction et 30% à l’exploitation. Fermer tous les vendredis pendant la durée de l’analyse (ici 50 ans) revient donc à gagner 3% du poids carbone total d’un site. Soit autant que les écogestes.
Les directeurs financier s’hérissent aussi contre cette mesure : pour eux, cela revient à accepter que l’entreprise paye 20% de surface en trop (1 jour sur 5). Nombreux sont ceux qui aiment à rappeler que l’environnement de travail est le second poste de dépense pour une entreprise tertiaire. Fermer le vendredi ne fait qu’augmenter que le cout relatif de l’environnement de travail ; d’autant plus que dans certains cas cette fermeture est « compensée » par la prise en charge par les entreprises d’accès à des espaces de coworking (le télétravail étant basé sur le double volontariat et l’entreprise se devant de fournir les conditions de travail). C’est donc double peine.
Les approches carbones et économiques sont limitées. Elles doivent être complétées par la prise en compte d’impacts sociétaux. Fermer les bureaux le vendredi modifie encore plus fortement la vie des quartiers que le travail hybride en rendant les lieux hors d’usage trois jours par semaine. L’offre servicielle au sein des sites est fortement mise à mal. La vie commerçante du quartier est affectée, avec un chiffre d’affaire qui doit désormais se réaliser avec un jour en moins. Le réseau de transport est perturbé, avec une fréquentation accentuée certains jours et une fréquentation limitée sur d’autres. Les inégalités territoriales et sociales pourraient aussi être renforcées : dans ce système, les collaborateurs les plus aisés profitent pleinement du multi-résidence tandis que les classes moyennes tendent à s’éloigner encore plus des villes-centres face à la pression foncière, notamment produite par le renforcement de l’implantation de bureaux à proximités de pôles de transport qui en résulte.
Affirmer que la venue libre est souhaitable peut sembler à contrecourant des tendances actuelles qui cherchent plutôt à réduire les surfaces par leur lissage. Pour autant, cette approche ne donne pas entière satisfaction car elle contrarie la vocation de « ressource » de l’environnement de travail. Dans ce cas, une solution ne serait-elle pas de changer de point de vue ? Pourquoi ne pas profiter des trois jours de sous-utilisation des bureaux pour proposer de nouveaux usages ? Pourquoi ne pas chercher à intensifier les usages des surfaces plutôt que les réduire ? Ce changement d’approche nécessite trois changements combinés. Tout d’abord, l’optimisation de l’usage des mètres carrés déjà construits induit une pensée de l’impact carbone. Le but est de limiter les besoins de construction. Ensuite, notamment pour les financiers, il s’agit de passer d’une logique de « cost management » à une logique de « cost avoidance » : les surfaces inexploitées deviennent une potentielle source de revenu à exploiter. Enfin, pour la société, l’approche offre de nouveaux possibles : des lieux accessibles pour des associations, des étudiants ou des usages privés. Ou encore des lieux refuges face aux conditions de vie dans une ville à +2°. Après tout, avec le travail hybride, le travail s’est invité dans tous les lieux. Pourquoi les lieux du travail n’accueilleraient-ils pas d’autres usages en symétrie ?
Concevoir des espaces de connexion inspirants
Avant de s’ouvrir à de nouveaux usagers et usages, les lieux de travail doivent être repensés pour réconcilier les enjeux des collaborateurs avec ceux de leurs managers et organisations. Pour cela, les lieux de travail devraient être dimensionnés pour accueillir confortablement les pics de présence. L’espace doit donc être assez généreux. Nos différents projets et premiers retours d’expériences d’aménagements dits hybrides montrent que ce n’est pas tant la surface par collaborateur qui compte mais plutôt le nombre de positions par présents et leur répartition dans les différents espaces qui compte. Les KPI de l’environnement de travail doivent être repensés pour rendre compte de l’expérience de ceux qui sont là. Il s’agit de s’assurer que chacun ait accès à la bonne ressource au bon moment tout en répondant à tous les profils d’usagers. Les personnes passant leur journée en concentration ou celles enchainant de réunion à distance devraient se sentir les bienvenues.
Ces deux profils que tout semble opposer devraient vivre sur site une expérience inspirante. L’aménagement devrait être fait pour les inciter à se rendre avant et après leurs tâches dans des lieux de vie commun. Ces derniers doivent donc être importants. Les projets les plus innovants accordent jusqu’à 50% de la surface (et 65% des positions) à ces lieux de rencontre. Pour bien fonctionner, ces lieux doivent aussi être confortables. Le confort cible n’est pas seulement ergonomique (qualité de l’assise, des vues, etc.) et fonctionnel (accès aux réseaux, etc.). Il faut aussi se sentir bien dans ces espaces et tenir compte des besoins de privacité et de contrôle de l’environnement. Les positions plus classiques devraient être pensées de façon à ce que des connexions visuelles incluent le profil « teams » aux autres présents. Le profil « concentré » devrait pouvoir trouver un lieu plus confidentiel, un peu à l’écart où s’isoler. L’espace utiliser par ces deux profils pourrait d’ailleurs être le même. Ou un espace pourrait être occupé successivement par les deux usages.
Si l’espace doit aider les présents à se rencontrer de façon impromptue, il devrait aussi les aider à se retrouver. Ainsi, le space planning des bureaux devrait être plutôt une succession de lieux de rendez-vous plus qu’une enfilade de tables de travail. Ces lieux pourraient être dessinés comme des alcôves pour donner du caractère aux moments passés ensemble. Les alcôves sont dimensionnées selon la taille des groupes opérationnels : on ne travaille pas efficacement à 50, le besoin est plutôt de petits groupes. L’utilisation de ces lieux est elle aussi multi-usage : le matin, l’équipe est plutôt concentrée tandis que l’après-midi elle travaille en mode projet dans le même espace. Ces alcôves induisent un aménagement très partitionné avec plus de positions dans des espaces fermés que dans des espaces ouverts.
Ces alcôves visent à créer une bonne expérience de travail pour les présents. Or, avec le travail hybride, ce nombre varie constamment. Cela impose de repenser la notion de lieu et de territoire. Demain, le collaborateur est préférentiellement affecté à une zone, un demi-étage voire à un étage selon les immeubles. Une fois sur place, il se rend dans un espace désigné où il effectuera la plupart de ses tâches quotidiennes. Cet espace est complété par d'autres zones adaptées à des besoins plus spécifiques. Par exemple, une équipe qui a besoin de calme utilisera des petites salles fermées pour des activités plus bruyantes, tandis qu'une équipe plus animée utilisera ces mêmes salles pour des tâches nécessitant de la tranquillité. Pour faciliter cette organisation, une intelligence artificielle guide les collectifs et les collaborateurs. Grâce à des algorithmes prédictifs, nous pouvons dès à présent anticiper avec une précision de 80% la présence et ensuite effectuer une affectation dynamique des espaces. Les groupes se voient alors attribuer les alcôves selon leurs tailles et leurs besoins. Le fait qu’elles soient multifonction simplifie fortement l’attribution en supprimant une variable contraignante.
Diversifier les occupations pour accroitre l’intensité d’usage
Les espaces de connexions inspirants garantissent une venue libre des collaborateurs, tout en favorisant la création et l’entretien des collectifs de travail. Toutefois, ils ne résolvent pas entièrement la question du taux d'occupation des bureaux. En effet les vendredis demeureront des jours où les bureaux seront moins sollicités. Ce constat pose un dilemme pour les entreprises : comment concilier la liberté individuelle de venue des collaborateurs avec l'optimisation de l'utilisation de leurs espaces disponibles ?
Pour concrétiser cette vision, une réflexion architecturale s'impose. Les espaces doivent être conçus pour accueillir une variété d'activités et gérer différents flux temporels. La mise en place de volumes distincts - cœur, agora et projet - offre une nouvelle perspective dans la gestion des espaces de travail. Chaque volume répond à des besoins spécifiques et s'inscrit dans une logique de compartimentation. Le volume cœur est un espace privé dédié exclusivement aux activités principales de l'entreprise et à ses collaborateurs. Il est conçu pour préserver la confidentialité, éviter le mélange des flux avec des activités externes et répondre aux impératifs de sécurité de l'entreprise. En contraste, les volumes agora et projet sont des espaces mutualisés, s'ouvrant à des usages variés et à des publics divers. L'agora est, par nature, un espace de rencontre et d'échange. Durant la semaine, il peut servir de lieu de pause-café, de déjeuner ou de discussions informelles pour les collaborateurs. Le week-end, il pourrait se transformer en un lieu festif où l'on célèbre un anniversaire ou offrir un espace de rencontre pour des associations locales. Quant au volume projet, il est modulable selon les besoins et les moments. Il peut accueillir les collaborateurs durant les pics d'activité ou se transformer selon les besoins les jours creux, en espace de coworking pour d'autres entreprises ou en lieu d'études pour des étudiants. Cette mutualisation, bien plus qu'une simple optimisation spatiale, permet à l'entreprise de s'intégrer pleinement dans son environnement, d'interagir avec la communauté locale et d'affirmer son rôle sociétal.
Cette perspective ouvre ainsi la voie à divers scénarios d'intensification des usages. Prenons le mardi, souvent marqué par une forte affluence : l'intégralité des m² serait dédiée à l'entreprise et à ses collaborateurs. Toutefois, le vendredi, la baisse de présence diminue le niveau d'exploitation effectif de ces espaces, en stagnant à seulement 30%. Ainsi, en mutualisant le volume projet, l'entreprise pourrait dynamiquement allouer 1/3 des m² à d’autres usages (coworking par exemple) tout en conservant une partie des espaces pour ses propres besoins (volume cœur et volume agora). Cette mutualisation permettrait à l’entreprise d'atteindre jusqu’à 68% d'exploitation de ses surfaces grâce à la venue d’un public extérieur. Le samedi, généralement marqué par une faible activité de l'entreprise et une exploitation des surfaces presque inexistante, offre une grande opportunité d'intensification des usages. En accueillant de nouvelles activités et d’autres utilisateurs, l’entreprise pourrait ouvrir 2/3 de ses espaces. Son volume cœur, lui, reste privatif. Cette répartition permettrait d'augmenter la capacité d'exploitation des surfaces totales jusqu'à 70%, optimisant ainsi l'utilisation des espaces disponibles.
Ces propositions, loin d'être de simples projections, sont déjà mises en œuvre par certaines entreprises avant-gardistes. BlaBlaCar, par exemple, ouvre ses portes aux associations de quartier, transformant ses espaces en lieux de rencontre et d'échange. Michelin, à Clermont-Ferrand, a innové en créant un espace d'études en journée pour les enfants de ses collaborateurs, facilitant ainsi la conciliation entre vie professionnelle et personnelle. Les Bureaux du Cœur proposent d’utiliser les locaux professionnels vides le soir et le week-end pour offrir un hébergement d'urgence à des personnes sans domiciles en situation de réinsertion. Enfin, à La Maison Sanofi, non seulement les collaborateurs sont invités à dîner dans les locaux certains soirs, mais ils peuvent également y convier famille et amis. L’intensification des usages des espaces de travail va donc au-delà de la simple optimisation de l'occupation. Elle établit des liens entre le monde professionnel et la ville, renforçant ainsi le rôle des entreprises au sein de la communauté et plus largement la société.
Le modèle de l’immeuble-quartier est une voie alternative pour repenser les environnements de travail. Elle nait de la volonté de réconcilier la diversité des attentes et enjeux envers l’environnement de travail et de considérer les effets de position comme ayant chacun leur rationalité. Tout d’abord, il s’agit de repenser l’expérience des collaborateurs en leur garantissant l’accès à un espace confortable et avec les personnes souhaitées. Cela amène à concevoir des plans de space-plannings en alcôves. Ces alcôves sont multi-usages pour simplifier l’expérience sur site et leur affectation dynamique. Le dimensionnement de l’espace et sa gestion prédictive facilite l’organisation du travail et l’animation des collectifs : les managers et chefs de projets trouvent facilement des espaces qui leur permettent d’animer leurs collectifs. Ces effets sont produits par une évolution de la direction immobilière qui considère l’espace comme une ressource dans le sens où elle le manage pour en optimiser l’usage : attribution dynamique des espaces et ouverture des usages. Cette dernière se transforme dans son modèle et ses missions pour mieux répondre à ses clients. Enfin, l’ouverture des usages s’inscrit dans les préoccupations sociétales. Utiliser au mieux les surfaces existantes est la démarche la plus durable. Cette durabilité est non-seulement « carbone » en limitant l’impact de potentielles constructions. Elle est aussi sociétale en inscrivant les immeubles de bureau dans la vie des communautés et en devenant un facteur d’attractivité pour les organisations. Enfin, l’intensification des usages optimise la valeur d’usage des locaux tertiaires et génère de nouvelles ressources, ressources dont le modèle restent à inventer : comment valoriser les usages complémentaires ? Par une monétisation ? Des réseaux de don/contre-don ? Une gratuité ciblée ? Au-delà des modèles de confiance à mettre entre les acteurs et usages de l’intensification, l’immeuble quartier appelle aussi une reconception des immeubles tertiaires pour permettre la coexistence de différents usages. Il s’agit de repenser les flux, les accès et enfin la règlementation de ces lieux (Erp/Ert ; destination).
Date de parution : Septembre 2023