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Propriétaires-utilisateurs d'immeubles de bureaux : produisez la ville de demain

Septembre 2024

L'expert

Sébastien Garnier

Sébastien Garnier

Directeur Kardham Stratégie Immobilière

+33 6 61 61 61 23

sgarnier@kardham.com

Décret tertiaire, zéro artificialisation, télétravail, vacance, obsolescence, PLU : les
propriétaires-utilisateurs d'immeubles de bureaux doivent actuellement composer avec
un cadre contraignant. Ces acteurs se définissent par le fait qu'ils exploitent pour leurs
propres besoins leur immobilier qui se trouve alors être leur outil de travail. Concilier la
préservation de la valeur de leur patrimoine avec des contraintes sans doute inédites
définies par les pouvoirs publics doit idéalement produire un résultat gagnant-gagnant.
Mais quelles sont les conditions de cette conciliation satisfaisante ?
Voici le point de vue de Sébastien Garnier, directeur de Kardham Stratégie Immobilière… 

 

Un cadre fortement contraignant

Trois dynamiques convergent vers une valorisation plus complexe des immeubles de bureaux dans les années à venir. D'une part, avec la limitation de l'artificialisation du foncier, il s'agit de produire de l'espace urbain sur l'urbain existant. Les politiques de zéro artificialisation des sols imposent de repenser la production urbaine à travers les surfaces déjà disponibles, le foncier devenant encore davantage qu'il ne l'est une ressource en raréfaction. D'autre part, concernant les immeubles de bureaux, les propriétaires-utilisateurs font face, comme les autres utilisateurs quels qu'il soient, à la chute des taux d'occupation des espaces de travail à la faveur du télétravail. Le besoin de surfaces diminue et cela questionne l'adéquation entre l'offre et la demande immobilière de l'organisation. Enfin, l'obsolescence de nombreux immeubles de bureaux vient interroger leur avenir dans un contexte de faible occupation, mais aussi d'une réglementation environnementale contraignante. L'ensemble de ces remarques fait naître une problématique claire pour les propriétaires-utilisateurs : préserver la valeur de l'immobilier, bâti ou non, dans un cadre contraignant qui fait risquer plutôt une dévalorisation.

 

Une géographie de bureaux darwinienne

La contrainte que constituent ces dynamiques à l'œuvre n'impacte pas les actifs de la même manière selon leur localisation. En effet, la géographie du marché immobilier tertiaire est historiquement marquée par une forte hiérarchie entre les localisations centrales et celles plus périphériques. Avec le développement du travail à distance, les faibles taux d'occupation et la vacance qui en découlent, la valeur de la centralité s'es encore accentuée. Les propriétaires-utilisateurs qui possèdent des actifs périphériques sont donc face à une équation difficile à résoudre en termes de valorisation. L'avenir de certains immeubles de bureaux aux localisations périphériques est pour le moins incertain. Pour autant, le foncier disponible préserve potentiellement une valeur économique, à condition qu'elle soit pensée collectivement.


Des acteurs aux intérêts parfois divergents.

D'un côté, les propriétaires-utilisateurs ont des craintes légitimes de dévalorisation de leur patrimoine, avec un impact lourd sur les finances de l'entreprise. Quel propriétaire ne cherche pas à ce que son bien garde de la valeur ? D'un autre côté, les pouvoirs publics fixent un cadre contraignant pour cette valorisation. L'Etat impose des règlementations, les communes mettent en œuvre des stratégies de production spatiale soumises à divers intérêts, pas toujours stables dans le temps. Avec, par exemple, une réglementation environnementale et des PLU laissant peu de marges de manœuvre, la valorisation d'un actif dans le temps n'est pas simple. Des temps courts, notamment politiques, viennent fréquemment bousculer l'immobilier, objet de temps long par définition. Pourtant, les pouvoirs publics locaux doivent saisir l'importance pour un propriétaire-utilisateur de préserver son patrimoine, au risque de voir le tissu économique local être dégradé. Le propriétaire-utilisateur doit, quant à lui, préserver ses intérêts dans un cadre contraignant et évolutif en s'inscrivant dans les stratégies publiques.

 

Anticiper la composition urbaine et être force de proposition

Les propriétaires-utilisateurs et les pouvoirs publics sont chacun à leur niveau des acteurs de la production spatiale. Les uns inscrivent un actif dans un paysage socio-économique, tandis que les seconds cherchent à produire un territoire durable. Une médiation est souvent indispensable afin que les divergences deviennent des convergences. Pour un propriétaire-utilisateur, se faire accompagner dans cette phase de co-production est désormais nécessaire pour bonifier au mieux ses intérêts au cours d'une incontournable négociation à venir avec les pouvoirs publics. Accompagner signifie agir pour moins subir. Préserver ses intérêts passe alors idéalement par une proposition de valorisation du patrimoine immobilier, avant que les pouvoirs publics aient pu imposer la leur. A partir d'une proposition bâtie sur une réflexion urbaine, préservant les intérêts de l'entreprise tout en prenant en considération les pré-requis de la ville de demain, le dialogue avec les pouvoirs publics sur les scénarios envisageables est plus confortable car un premier curseur est établi. C'est aussi aux propriétaires-utilisateurs de faire comprendre aux pouvoirs publics, en amont de cette collaboration, que la valeur de leur capital ne peut être considérée comme une quantité négligeable : il y va aussi de la pérennité d'un acteur économique et de sa capacité à poursuivre son développement, au service d'un territoire.
Dans le contexte que nous venons de décrire, le propriétaire-utilisateur doit, plus que jamais, devenir acteur de la valorisation de son patrimoine et de la production urbaine par la même occasion. Les propriétaires-utilisateurs sont souvent des acteurs locaux de long terme ; ils connaissent leur territoire et s'y inscrivent durablement ; ils le dynamisent et le font vivre. L'accompagnement doit permettre d'entrer dans une discussion avec les pouvoirs publics avec une proposition destinée à ce que l'ensemble des acteurs autour de la table soient gagnants, les pouvoirs publics et les entreprises ayant mutuellement besoin l'un de l'autre. La démarche doit alors devenir partenariale au service d'un territoire donné. Un territoire gagne-t-il à ce que ceux qui le structurent soient perdants ?

 

Trouver l'équilibre gagnant-gagnant

La recherche des équilibres peut se faire autour de deux piliers. Le pilier économique est incontournable pour les entreprises propriétaires de leur immobilier. La valeur est, ici, matérielle et elle est vitale. Mais un pilier immatériel peut aussi être source de réflexion puisque la valeur produite peut être sociale ou culturelle, par exemple. En d'autres termes, la réflexion peut se faire sur une ville de demain durable et vertueuse mettant les nouveaux usages au cœur de la production urbaine. Les propriétaires-utilisateurs peuvent alors faire un pas dans cette direction, si toutefois la valeur économique reste garantie. Pour toutes les raisons que nous avons évoquées précédemment, de nombreux immeubles de bureaux seront contraints à la reconversion les prochaines années, impactant durablement la fabrique de la ville de demain et poussant à de nombreuses reconversions au service de territoires durables. Mais n'oublions pas que l'équité est au cœur de la notion de développement durable. Accompagnons, facilitons le dialogue pour trouver les chemins vers une ville durable, donc juste.

Date de parution : Septembre 2024

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Pascal Glemain

Maître de Conférences-HDR en Gestion-Management des OESS
Université Rennes 2, UMR6590-CNRS, ESO-Rennes