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L’urbanisme écologique : du verdissement à l’écosystème
Avril 2023
L'expert
La végétalisation de la ville est aujourd’hui un objectif indispensable pour rendre la ville vivable et agréable.
La plupart des collectivités ont intégré ce discours même si les actions ne suivent pas toujours. La végétation est en effet source de multiples « services » fournis aux citadins. Les plus connus et les plus avancés dans les projets d’aménagement sont la réduction des îlots de chaleur (jusqu’à 10° de différence entre rues plantées et non plantées) et le maintien d’une santé mentale et physique des citadins, points bien démontrés scientifiquement. D’autres relations autour des productions (la nature nous nourrit et nous habille…), des régulations (pollutions atmosphériques, eau…) ou culturels (bien-être, relations sociales, ambiances, récréation…) sont aussi à souligner. Même si cette notion de services reste très fonctionnaliste par rapport aux valeurs intrinsèques de la nature et le fait de mettre l’Homme au cœur de cette nature et non pas au-dessus, le concept de service écosystémique a fait la preuve de son efficacité pour faire bouger les décisions publiques, plus que des références au sensible ou à la protection de certaines espèces animales ou végétales. Les canicules à répétition renforcent encore cette indispensable relation de la ville à ses plantations.
Cependant les végétaux installés sont essentiellement des espèces horticoles et les plantations sont souvent monospécifiques (toitures de sédum ou alignement de platane par exemple). Elles sont donc fragiles à tout accident climatique ou sanitaire comme cela a été le cas avec l’orme qui a disparu du sud de la France dans les années 1970, laissant des villes sans arbre ou presque. C’est donc une diversité des espèces qu’il faut viser, un ensemble étant beaucoup plus stable et résilient. Par ailleurs, l’objectif d’intégrer des espèces autochtones et de tenir compte des processus écologiques apparait comme un gage à la fois de durabilité (les systèmes naturels se régénèrent) et d’intégration de la ville dans sa biorégion. C’est une définition de la biodiversité : une diversité d’espèces qui prend en compte les relations qu’elles ont entre elles et avec leur habitat. Les écologues parlent de biodiversité fonctionnelle et d’écosystème. En aménagement du territoire, l’idée est de se rapprocher des fonctionnements écosystémiques aux différentes échelles : notamment diversité en espèces et qualité des habitats à l’échelle du site, accessibilité depuis des habitats sources pour les espèces animales et végétales (trame verte et bleue) à l’échelle du quartier ou de la ville.
En plus de la végétalisation déjà en cours et de la volonté d’intégrer la biodiversité qui commence à faire son chemin, l’étape suivante est celle d’un urbanisme réellement écosystémique, voire régénératif. Il s’agit alors de s’inspirer des fonctionnements des écosystèmes pour concevoir le projet urbain. Donc non seulement penser les espaces à planter comme des petits écosystèmes qui vont rendre des services aux citadins mais aussi, en retour, prendre soin de cette nature et organiser la ville pour l’ensemble du vivant, humain et non-humain.
Même si les préoccupations écologiques sont plus larges que la seule approche écosystémique, c’est l’ensemble de la stratégie de conception et de construction qui serait à modifier en privilégiant les différents flux naturels et les caractéristiques géographiques et écologiques avant d’implanter des bâtiments ou des infrastructures. Ce changement de paradigme implique la présence d’écologues tant dans les services d’urbanisme que dans les consortiums de projet, à côté des paysagistes, pour qu’une adaptabilité et une résilience se construisent en considérant dès maintenant qu’un non-bâti vivant est indispensable à la durabilité du bâti et à son habitabilité.
Date de parution : Avril 2023