- Accueil
- FR
- Notre impact
- ProspeKtive
- La lutte des places !
La lutte des places !
Janvier 2023
Les experts
Comment la hiérarchie organisationnelle se matérialise-t-elle dans la hiérarchie des places de bureaux dans l’entreprise ?
Des privilèges spatiaux à préserver
On a souvent l’image des tops-managers dont les bureaux sont situés au dernier étage des tours de bureaux. Mais pourquoi les responsables dans les organisations occupent-ils toujours une place privilégiée dans les bâtiments des entreprises ? Dans une récente étude, nous nous sommes intéressés à cette question. Plus spécifiquement, nous avons cherché à comprendre par quels processus les individus cherchaient à maintenir coûte que coûte leur privilège spatial dans une entreprise. Lorsque c’est le cas, ces personnes se servent alors de l’espace organisationnel (les bureaux et leur organisation/agencement dans l’entreprise) comme un objet de pouvoir.
Les bureaux ont une valeur symbolique, et leurs emplacements dans l’entreprise déterminent en partie l’organisation et le déroulement du travail. Il n’est donc pas étonnant si les employés des entreprises vont chercher à accaparer les meilleures places. Or, dans la recherche du privilège spatial, tous les employés ne sont pas égaux. Les top-managers décident d’abord. Ainsi la hiérarchie organisationnelle est répliquée dans la hiérarchie des places de bureaux : c’est ce que l’on appelle la lutte des places.
Renforcer sa position stratégique avant de répondre aux besoins professionnels
Pour mener notre étude, nous avons pris le cas d’une entreprise emblématique dans le secteur bancaire. Lors de la mise en service de son nouveau siège social en 1995 (à l’époque le plus grand d’Europe), il était envisagé de repenser l’organisation des bureaux de sorte à faciliter le travail d’équipe, la communication et la collaboration entre les services. Or, cette recherche d’une plus grande horizontalité n’a pas abouti. Pire, le macro-zoning n’a fait que renforcer la verticalité, alors même que des études stratégiques entendaient placer les directions en fonction de leurs besoins professionnels. Ainsi, les top-managers les plus influents ont pu s’octroyer une place de choix dans un bureau individuel. Plus largement, ce cas met en lumière les multiples difficultés des organisations face à leurs espaces qu’elles ne cessent de penser et de réformer, à la quête de la configuration optimale.
Trouver sa place dans l’organisation, une quête sans fin ?
Notre recherche met en évidence que le sens que chacun donne à la place (au sens localisation du bureau, aménagement du bureau) qu’on lui a octroyée (ou qu’il s’est octroyée) dans l’organisation diffère entre les personnes. D’une manière générale, les individus cherchent à être proches du pouvoir. Par conséquent, s’ils occupent une place stratégique, ils vont chercher à maintenir ce privilège spatial, justifiant l’idée qu’il existe une lutte des places. Aussi, la configuration des lieux et l’organisation des bureaux en dit long sur la culture de l’entreprise et la plus ou moins grande prégnance de la hiérarchie organisationnelle dans les activités des employés.
Depuis 2018, l’actuel Président du groupe bancaire a décidé de relocaliser son bureau du haut de la tour au centre de la tour. Une décision qui est forte de sens par laquelle le Président souhaite montrer sa proximité avec les différents services. Mais ce changement ne sera pas sans engendrer des modifications de localisations d’autres bureaux, tel un jeu de chaises musicales.
Dans un contexte de dépersonnalisation croissante des bureaux liée à l’avènement du flex office (Minchella, 2021), ces interrogations sur le privilège spatial et la lutte des place risquent d’être renforcées, entre celles et ceux qui pourront continuer de garder un bureau fixe, personnalisable, et d’autres qui devront se résigner à occuper des places flexibles, mouvantes, non personnalisables.
Date de parution : Janvier 2023