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Les Français sont moins heureux au travail que les Américains…
Septembre 2020
Les experts
Effet de mode managériale pour les uns, tendance lourde pour les autres, le bien-être au travail constitue une aspiration forte à laquelle un nombre croissant d’entreprises tentent d’apporter une réponse. Deux chercheurs en GRH - Jordane Creusier de l’université du Littoral et Franck Biétry de l’université de Caen – ont développé une échelle de mesure statistiquement valide qu’ils ont ensuite utilisée dans plusieurs travaux internationaux. Au total, plus de 3400 salariés répartis en France, aux Etats-Unis et au Japon ont accepté d’y participer. Les résultats cumulés montrent que l’enthousiasme et l’optimisme américain ne se démentent pas. Ils restent clairement les plus heureux au travail.
En bon Poulidor, les salariés français arrivent en seconde position distancés en moyenne de 10 points par un Armstrong intouchable. Les Japonais ferment la marche avec un score moyen légèrement supérieur à la barre symbolique des 50 points. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le bien-être au travail des français est apparemment plus proche de celui de leurs homologues d’Extrême-Orient que de celui des Américains, malgré les différences culturelles.
Ce score général correspond au cumul de quatre aspects fondamentaux du travail : la qualité des conditions matérielles de travail, celles des relations aux collègues de travail et au manager et, enfin, la qualité de l’aménagement du temps de travail (volume et stabilité des horaires, équilibre vie privée – vie professionnelle). Les Américains ne sont dépassés sur aucun de ces aspects. Les Français luttent pour ne pas être distancés en matière de conditions de travail et de relations entre collègues, sans grand succès il est vrai. Malgré les 35 heures, les scores exprimés au sujet du temps de travail les placent derrière les japonais (57,1) ! Loin devant, les Américains semblent tout à fait heureux dans ce domaine (75,5). La règlementation, quand elle existe, y est pourtant beaucoup plus lâche. Effectuer 50 heures hebdomadaires ne relève pas de l’exploit légendaire tandis que la récupération estivale excède rarement les deux semaines. Il reste à savoir si les Français sont frustrés par les contrôles de la DIRECCTE qui les empêchent de travailler davantage ou s’ils ramènent trop de travail à la maison…
Pire encore, les Français sont bons derniers pour ce qui concerne la qualité des relations au manager direct (52.2). Manifestement, bien des progrès restent à accomplir dans ce domaine pour abandonner la lanterne rouge et espérer rejoindre un jour la place envieuse d’échappé occupée par les Américains (65,8).
Enfin, la solidarité entre collègues de travail constitue certainement l’aspect le plus surprenant de cette compétition internationale. Elle constitue la principale source bien-être aux Etats-Unis (79,3), là où l’individualisme règne pourtant en maître. Il en va de même en France là où les syndicats sont à la peine depuis de nombreuses années maintenant pour réguler le peloton. De là à considérer que les mouvements collectifs spontanés à l’image des gilets jaunes en constituent une forme d’expression, il n’y a qu’un pas.
Dans la continuité de ces premiers travaux, cette enquête internationale sur la mesure du bien-être au travail se poursuit. De nouvelles données sont en cours d’acquisition. Si elles sont encore trop peu nombreuses pour être analysées et pour pouvoir en tirer des conclusions, les premiers résultats bruts issus de nouveaux pays peuvent au moins être présentés.
La Chine arriverait ainsi presque sans surprise bonne dernière en matière de bien-être au travail alors que les Suisses s’empareraient de la première place grâce notamment à d’excellente conditions matérielles de travail. Ces résultats demandent cependant encore un peu de travail avant d’être confirmés et des données provenant d’autres pays sont encore en cours acquisition. Ensemble, ces éléments nous donneront peut-être des clés de compréhension de la mesure du bien-être au travail à l’échelle mondiale.
Jordane Creusier
Franck Biétry
L’échelle utilisée pour la mesure du bien-être au travail est celle que nous avons développée et publiée dans la Revue de Gestion des Ressources Humaines qui est classée au CNRS. ( Bietry F, Creusier J (2013). Proposition d’une échelle de mesure positive du bien-être au travail (EPBET), Revue de gestion des ressources humaines. Vol 87. p 23-41)
Date de parution : Septembre 2020